Au bout d’un couloir, un petit groupe de jeunes se concerte sur la meilleure manière d’installer une porte grillagée. Pascal Rakotonirina, l’un des élèves, a été choisi pour diriger les opérations. En bleu de travail, casque de chantier vissé sur la tête, il prend son rôle à cœur. « J’ai décidé de suivre une formation pour réaliser mon rêve : devenir chef de chantier », lance t-il, du haut de ses 17 ans.
« A travers cette opération de rénovation, les apprentis sont confrontés aux conditions réelles du travail », explique Roger Rabenoelson, leur enseignant, qui endosse ici le rôle de conducteur de travaux. « Les jeunes doivent respecter le délai d’exécution du chantier et fournir un travail de qualité. C’est un excellent exercice ».
Des travaux pratiques trop rares
Pour Josoa Ramamonjisoa, le directeur du CNEF, confier la rénovation du lieu à des élèves en formation était une évidence. « L’enseignement professionnel à Madagascar ne prévoit presque pas de travaux pratiques », déplore t-il. Les établissements manquent de moyens financiers. Le secteur public est particulièrement touché. En 2015, seulement 3,5 % du budget consacré à l’éducation était destiné aux établissements professionnels.
A Madagascar, 60 % des 23,8 millions d’habitants ont moins de 25 ans. La question de l’insertion des jeunes dans la vie active est cruciale pour le développement du pays.
« Il y a très peu de machines à disposition des élèves, et lorsqu’il y en a, elles datent des années 1990, précise Josoa Ramamonjisoa. L’apprentissage technique s’en ressent vraiment ». Une fois sur le marché du travail, même avec un diplôme professionnel en poche, les jeunes manquent de compétences auprès des entreprises. Le CNEF veut continuer à développer les chantiers écoles et mettre progressivement en place un système d’alternance, jusque ici inexistant à Madagascar. La rénovation de ses locaux reste pour l’instant une opération pilote, destinée à servir d’exemple auprès des écoles et des entreprises. Nouer des partenariats demande du temps. Et les entreprises sont frileuses à l’idée de bouleverser leurs méthodes de travail. D’autant que le système éducatif est loin d’être uniforme. Le secteur privé regroupe 63 % des élèves en filière technique et professionnelle. Il est composé d’une multitude d’établissements dont les méthodes en matière de formation ne sont pas toujours les mêmes.
Créer des filières adaptées à l’emploi
« Nous sommes en marche vers une révolution douce », déclare Isabelle Rakotozafy, coordinatrice de la mise en œuvre de la Politique nationale d’emploi et de formation professionnelle (PNEFP), officialisée en octobre 2015. Cette politique prévoit toute une série de réformes en faveur de la formation professionnelle. « Des études vont être lancées pour déterminer les besoins réels en main-d’œuvre dans les différents secteurs, poursuit la coordinatrice. Les résultats permettront de créer de nouvelles certifications professionnelles, en adéquation avec le contexte malgache ».
Mais pour le moment, très peu d’élèves suivent des études professionnelles. Près de 30 % des enfants décrochent à l’école primaire. Les jeunes adultes sortis du système scolaire se voient contraints d’apprendre un métier « sur le tas ». Sans qualification, ils s’insèrent bien souvent sur le marché du travail par le biais du secteur informel. Ils occupent donc des postes précaires, parfois sans contrat de travail et sans protection sociale.
« J’ai dû arrêter l’école en CM2 »
Source : LeMonde.fr