
Pendant près d'une heure, Rima, musulmane non pratiquante, récite dans sa tête un verset du Coran censé aider un malade à retrouver le souffle. "Que faire d'autre? Entre ciel et terre, on se sent démuni." Marie-France, elle, encourage en silence l'hôtesse qui s'acharne à faire revenir à lui "le petit bout de garçon", totalement immobile : "Elle ne relâchait pas la pression. Ses collègues couraient dans les travées, s'interpellant pour de l'oxygène, des seringues."
"La manière dont il est mort doit donner lieu à une réflexion"
Chez Air France, on se refuse à évoquer la tragédie. "Un avion, c'est comme une petite ville. Il arrive que l'on y meure mais, par respect pour la vie privée, nous ne communiquons jamais sur ces sujets", explique une porte-parole. A la tête d'Aviation sans frontières, association fondée en 1980 par des pilotes d'Air France dans laquelle s'engagent de nombreux retraités de la compagnie ravis d'utiliser leurs billets à prix ultraréduits pour de nobles causes, Jean-Yves Grosse assure qu'un "retour d'expérience va être organisé". "Nous avons accompagné 10.000 enfants pour le compte de différentes ONG depuis notre création, comme ce jour-là pour La Chaîne de l'espoir. Ce genre de drame, rarissime, doit être analysé en détail pour essayer de minimiser le risque. Nous faisons face à un paradoxe : nous accompagnons des enfants malades, pourtant nous devons nous assurer qu'ils sont en état de voler."
"En vingt-cinq ans, 3.000 enfants ont voyagé sans problème vers la France pour se faire opérer"
Tous deux imaginent que l'émotion dans laquelle se trouvait l'enfant a pu conduire à la crise cardiaque. S'ils louent les efforts accomplis par une passagère médecin et l'hôtesse, secouriste aguerrie comme tous les navigants, ils les savent vains. "Le massage cardiaque est totalement inefficace sur un enfant qui présente une telle pathologie", soupire le Dr Cheysson.
Ce vendredi matin, le corps du petit garçon a été rendu à sa famille à Madagascar. Le bénévole qui l'accompagnait jusqu'au drame, un jeune retraité d'Air France, compte accomplir bientôt une nouvelle mission, de préférence en commençant par ramener chez lui "un enfant guéri". Alain Deloche, lui, promet de continuer son "combat sans fin" pour favoriser la construction de centres de chirurgie cardiaque infantile à travers le monde. "Les problèmes de cœur, une des premières causes de mortalité infantile, ont longtemps été négligés par les organisations humanitaires. Bien sûr que c'est aberrant de soigner les enfants si loin de chez eux."
Sources Anne-Laure Barret - Le Journal du Dimanche