« La démilitarisation des institutions étatiques et la dépolitisation de l’armée sont une urgence », a déclaré à la presse Juvence Ramasy, docteur en science politique, lors de son exposé, hier après-midi à Anosy. Le politologue a abordé le thème « Les Forces armées sont-elles garantes de la stabilité politique et démocratique » lors du colloque.
Le docteur Ramasy a conclu sa prestation en indiquant que « l’Armée est garante de la stabilité, mais à court terme ». Un constat qu’il a expliqué par le fait que « chaque nouveau dirigeant malgache s’en remet à l’armée pour asseoir son pouvoir ». Une situation qu’il concède comme un facteur contribuant à la politisation des Forces armées. Ce phénomène a, selon lui, débuté lors de la révolution de 1972 et a exacerbé par les différentes crises politiques qui s’ensuivirent.
L’exposé d’hier déplore le fait que plusieurs tentatives de « démilitarisation des institutions et de martialisation de l’Armée » ont été initiées mais en vain. L’un des constats rapportés hier est, cependant, que les cycles de perturbation ont constamment vu une participation de l’armée. Et ce, sous diverses facettes dont la plus marquante est celle de 2009, où des hommes en treillis ont contribué directement à la destitution du régime en place.
La clientélisation des avancements, sous réserve des obédiences politiques, dont les origines remontent à la deuxième République, la mauvaise gestion des Forces armées et le manque de moyens qui ont entraîné des mécontentements, la corruption, la présence de militaires dans les instances politiques.
Telles sont, entre autres, les raisons évoquées pour expliquer « l’instabilité » des Forces armées, qui déteint sur les instances étatiques, souvent enclines à prendre en considération l’humeur de la Grande muette pour ne pas se mettre en danger.
La dépolitisation a alors été avancée pour « assurer la stabilité des institutions militaires et leur neutralité » et, de fil en aiguille, avoir une stabilité politique. Plusieurs paramètres ont, toutefois, été évoqués pour y arriver. La première est la définition du « concept de la défense », ensuite l’adoption d’une loi de programmation militaire.
Parmi les concepts à définir figure le fait que le Président de la République est le Chef suprême de l’Armée.
« C’est une des sources fondamentales de crise », s’est insurgé le colonel Faly Andriamampiadana, directeur de cabinet du Secrétariat d’État à la gendarmerie nationale, qui fait partie des acteurs du colloque. Jean Eric Rakotoarisoa, membre de la Haute cour constitutionnelle, également participant, a expliqué que dans une lecture juridique, le concept de Chef suprême de l’armée s’entend comme « la possibilité pour le Président de donner un ordre d’engagement dans des conflits militaires ou des interventions extérieurs ».
La réforme de l’entité qui s’avère alors nécessaire, à entendre les débats, a aussi été recommandée. Ainsi la répartition des éléments, dont le déséquilibre aberrant entre l’effectif et les moyens entre l’armée de terre et marine, a été particulièrement soulevée, alors que Madagascar est une île. « Occuper l’Armée est un moyen de l’éloigner de la politique », a argumenté un officier participant au colloque. « Un régime démocratique fort, basé sur des élections crédibles et la bonne gouvernance » fait aussi partie des paramètres avancés par le docteur Ramasy.
Garry Fabrice Ranaivoson de l'Express de Madagascar