
« Le Président en exercice s’est engagé devant l’assemblée à prendre ses responsabilités pour la libération des détenus politiques avant la fin de l’année, et à étudier le cas Marc Ravalomanana. Tout cela dans le cadre de la réconciliation, suivant les 4F [la vérité, reconnaissance des torts, repentance et réconciliation]. Mais cela n’annule pas pour autant les poursuites judicaires en cours », a déclaré Monseigneur Samoela Jaona Ranarivelo, président en exercice du FFKM, à l’hôtel cinq étoiles d’Ivato hier.
Près d’une vingtaine de personnes sont encore détenues suite aux crises politiques, notamment celle de 2009. La manière dont va procéder le Chef de l’État pour leur libération reste à voir, d’autant plus que, selon un juriste « le terme détenu politique n’existe pas vis-à-vis du tribunal (…) ». L’éventualité d’une grâce présidentielle est avancée, toutefois, « la grâce ne peut être prononcée qu’à l’endroit de détenu condamné. Et le principe d’individualité des peines devant le tribunal, impose qu’il ne devrait pas y avoir de mesure générale, mais que les dossiers soient étudiés au cas par cas ».
L’annonce d’hier était brève et la presse n’a pas été autorisée à poser de questions. Les quelques mots
prononcés indiquent, néanmoins, que le cas de Marc Ravalomanana est toujours en pointillés. Sa mise en résidence fixe ne semble pas prête d’être écourtée, l’éventualité qui se fait insistante est juste un changement d’adresse.
Du reste, il semble que le Président de la République s’est employé à tourner le rendez-vous d’hier à son avantage. La déclaration à l’issue de la rencontre s’est restreinte à indiquer ses engagements. La logistique a été prise en main par la présidence. Même son entrée dans l’enceinte de l’hôtel cinq étoiles semble avoir été calculée. Pour la première fois, hier, le cortège présidentiel a été devancé par un peloton de motards. La dernière en date était le 26 juin, jour de la fête nationale. Un changement de ton qui pourrait avoir délibérément été fait pour marquer son statut de Président en exercice, devant ses prédécesseurs.
Des faits cocasses
La stratégie pourrait toutefois avoir été contrecarrée par une erreur de timing, et des faits cocasses ont braqué les projecteurs sur ses prédécesseurs. Hery Rajaonarimampianina était la troisième personnalité à arriver à l’hôtel cinq étoiles. Il a emboité le pas à Andry Rajoelina, ensuite à Didier Ratsiraka. Il était suivi quelques minutes plus tard de Albert Zafy. L’arrivée qui a fait sensation est celle de Marc Ravalomanana, à bord d’un hélicoptère de l’armée qui l’a conduit de l’aéroport d’Ivato au lieu de la rencontre.
La journée d’hier était placée sous le signe de la réconciliation, et la teneur de la déclaration qui s’en est suivie a tenu à le marquer. Toutefois, des détails évidents témoignent de l’antipathie et du clivage qui pourraient séparer les cinq Chefs d’État, et d’une probable insatisfaction quant à l’issue de la rencontre. En se présentant devant la presse à l’issue des neuf heures de huis-clos, les visages fermés de Hery Rajaonarimampianina et de Andry Rajoelina, ainsi que le sourire de circonstance du bout des lèvres de Marc Ravalomanana étaient flagrants.
Le hasard a fait que Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina se soient assis côte à côte. Toutefois, à l’issue de la rencontre avec la presse, l’ancien Président de la Transition a hésité à prendre la main de celui qu’il a évincé du pouvoir en 2009. À l’issue de l’annonce à la presse de la résolution de la rencontre, il a été demandé aux cinq de se lever pour une photo de famille. L’atermoiement de quelques secondes de Marc Ravalomanana avant de se plier au jeu pourrait ne pas être fortuit, et indiquer un mécontentement.
Par ailleurs, sans un réflexe de Didier Ratsiraka, l’hymne national pour clôturer l’événement aurait pu être occulté. Les plaisanteries des journalistes ont contribué à détendre l’atmosphère. Attendre une résolution majeure de la rencontre de ce jour aurait pu être utopique. Néanmoins, le fait que la rencontre à cinq s’est concrétisée est déjà un grand pas de fait. Toutefois, les scènes observées hier montrent que mettre à plat les problèmes politiques du pays ne sera pas chose facile. Prochain rendez-vous le 13 janvier 2015.
Source : lexpressmada.com